" Quitter l'immobile pour accéder au trajet ". Ce livre est un voyage, longeant les frontières vers un désert rêvé, où chaque grain de sable devient monde. Les frontières, perfidie de l'humanité qui les surplombe de ses " Silhouettes casquées dont l'ombre se prolonge en sexe de mitraillette. "
L'imaginaire alors offre au poète une porte sur désert. Un désert mouvant et immobile, coloré et uniforme, parcouru de vies tenues et immatérielles, La fausse assurance nomade des mots donne à voir, distinctement, un espace où " Certains se lèvent. Quelques-uns s'éternisent. "
Extraits :
Perfidies de la frontière :
Pointillé
Dessiner sur les couleurs de la carte le pointillé des démarcations relève davantage de la couture que du dessin. Quel sens y trouver, alors même qu’en morse, voire en braille, ces successions ne formulent rien d’intelligible ? Sinueux, les points traversent le vert des bois, des bosquets et des prés, le brun des rocailles et des carrières, le bleu des ruisseaux et des fleuves. Ils ont des caprices incompris des géomètres, mais assez clairs pour les monarques car ce sont les mêmes que les leurs.
Boue
Les pierres avaient été déposées à intervalles rythmés. Ellesépousaient les minuscules dénivellations. Elles étaient régulièrement poncées et lavées afin que la mousse ne parvienne à les confondre avec l’herbe, ce qui aurait, à l’évidence, accouché de conflits incessants. Le propriétaire regardait cela d’un oeil vif. Il jaugeait sa satisfaction au nombre de cailloux que son regard embrassait d’un seul jet. Quelques décennies plus loin, l’arrivée impromptue d’une boue devenue torrent recouvrit tout. Inexorable. Plus de signe. Plus de borne. Plus de légitimité décrétée. Enfouie pour longtemps.
Dits en plain désert :
Une rose des sables est une présence de l’ambigu. La voici flore et minérale. Elle agrémente ses pétales d’éclats de verroterie qui piègent le soleil. Elle possède des
délicatesses de précieuse fragile, alliées à des rudesses de granit. Personne ne la cueille comme il est possible en un champ d’horticulteur. Elle est dépourvue de tige. Cependant son ancrage au sol témoigne qu’elle tientà son terroir : comme tout être affirmé en son identité, elle a ses racines. L’emporter est un arrachement. La garder ne l’expose pas à se faner. C’est dire que celui qui a la chance de l’insérer au creux de son destin comptera sur sa présence étrange et bénéfique. C’est sa façon à elle de distiller le parfum qu’elle aurait rêvé d’avoir.
L’aube surprend toujours ceux qui sommeillent. Jamais ceux qui ont assimilé l’effroi. La clarté, alors, blafarde. Le passage d’un temps à un autre forme une petite frontière palpable. Certains se lèvent. Quelques-uns s’éternisent.
76 pages intérieures sur papier bouffant Munken, couverture " Cygne", 15 x 20 cm
PHOTO DE COUVERTURE : VINCENT DEPARDIEU
Prix de vente : 10 Euros